Tranches de vie de mamans confinées
- Parents.S.J
- 16 avr. 2020
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 juin 2020
Texte par Mamans au cube
Il va sans dire, le confinement risque de changer notre façon de voir la vie, notre couple, notre perspective de la maternité. On quitte le superflu pour laisser place aux moments présents et le temps en famille. Il reste que ce temps, que l’on voyait d’une toute autre façon, amène son lot de questionnements. Est-ce que le couple est assez solide? Est-ce que mon bébé est en train de passer à côté de certaines étapes de sa vie?
Trois collaboratrices se confient et partagent chacune une tranche de vie de mamans confinées :
L’exploration d’un nouveau monde, dans les yeux d’un enfant confiné
Les premiers mois de vie de mon fils ont été intenses. Dépression post-partum, bébé intense qui pleure beaucoup, nuits très courtes, confinement volontaire parce que la fatigue et l’épuisement se sont emparés de mon corps; j’avais de mon propre gré attendu que les mois filent sans trop sortir de chez moi. Toutes sorties me créaient un stress immense, une sorte de boule dans l’estomac. Est-ce que bébé va dormir la nuit? Va-t-il faire sa sieste? Va-t-il boire au sein, sachant qu’il est facilement distrait? Va-t-il pleurer constamment? Et ceci, sans compter toute la préparation que ladite sortie demandait. J’avais l’impression de partir en voyage pendant 5 jours alors que je découchais une seule nuit. Juste à y penser, j’étais épuisée.
Et puis, un beau jour, une petite voix en moi m’a soufflé que c’était assez. J’avais envie d’offrir de belles expériences à mon fils. Après tout, il découvrira le monde une seule fois dans sa vie. Je voulais lui permettre de socialiser avec d’autres bébés, d’autres adultes que ses parents et d’expérimenter de nouvelles sensations. J’avais planifié des sorties chez la famille qui demeure à plus d’une heure de la maison, nous étions inscrits à des cours de natation et j’avais débuté des séances d’éveil dans un établissement pour maman-bébé. Et ça me faisait du bien.
J’avais enfin réalisé que toute situation, que ce soit une crise de pleurs ou un sommeil interrompu, se gère en temps et lieu. Un bébé s’adapte, si on lui offre la chance de s’adapter. Un bébé se réconforte avec quelque chose qu’il connait, quelque de chose de rassurant. Donc, c’était logique, si Maman est là, tout va bien.
Et puis, on nous a annoncé le confinement. On dégringole les marches montées avec effort, la prise de conscience qui a mis des mois à s’incruster dans mon esprit, pour nous imposer un nouveau confinement, cette fois indésiré.
Durant les premiers jours, j’étais fâchée. Je m’en voulais de ne pas m’être forcée davantage. Je retournais à la case départ. Ensuite, j’avais l’impression que mon bébé passe à côté de quelque chose. Il ne pourra jamais suivre de cours de natation avec les bébés de moins d’un an. Aura-t-il de la difficulté à s’adapter avec d’autres enfants, sachant qu’il a vécu majoritairement son temps avec moi et son père? Est-ce que l’intégration à la garderie se fera en douceur?
Encore aujourd’hui, je me questionne. Mais j’essaie de voir les choses autrement. On fait des appels vidéo avec la famille et les amis, le plus possible. On prend des marches, on regarde la nature, on observe les animaux. On essaie différentes astuces d’éveil à la maison pour stimuler bébé le plus possible : peinture, bricolage, jeux dans le bain.
Aurais-je fait tout ça sans confinement? Probablement pas. J’aurais choisi la méthode facile sans doute. Je l’aurais laissé découvrir par lui-même. J’aurais été moins présente. Mon fils continue de voir et d’entendre la voix de ses grands-parents, mais autrement. Ce sera probablement une période d’adaptation lorsqu’il les reverra. Il voit des amis sur l’écran, il sourit. C’est déjà ça!
Il faut voir le bon côté des choses. L’humain s’adapte à presque tout et on apprend différemment, tout simplement.
Une maman un peu (bcp!) à boutte
Être confiné 24 heures sur 24 avec quelqu’un, ça remet tout en perspective. Ça fait aussi réaliser des choses. Maman se rend compte qu’elle en fait beaucoup. Certains papas sont très présents, mais d’autres manquent cruellement d’initiative. Papa, ici, s’est rarement levé dans la nuit pour donner à boire à son garçon ou pour débuter la journée avec lui. Maman est là, alors c’est bon, pas de stress! Et, ce n’est pas ce méchant virus qui allait changer les choses…
Au début du confinement, ça a été une grosse période d’ajustement. Papa travaille toute la semaine à 150 km de la maison. C’est Maman qui prend soin de Bébé toute seule quand Papa n’est pas là (Psst! Même quand il est là…). Maintenant à la maison, Papa a pris ça relax parce qu’il était en congé. Quelle chance! Il se levait tout pénard à 11 heure du matin, alors que notre journée était à moitié entamée. Il s'asseyait devant la télévision pour regarder ses émissions pendant que son petit lapin jouait sur le tapis. C’est facile d’être parents comme ça!
La maman n’avait pas le droit au congé elle. Mais non! Elle devait continuer à faire son “travail” de mère comme il disait si bien. Quand notre seul référentiel de famille est celui d’une famille dysfonctionnelle, on ne comprend pas ce que c’est d’être parents. L’initiative ne vient pas naturellement, ça non! La mère a donc dû expliquer au cher Papa qu’il n’en faisait pas assez, ce qui n’était pas la première fois.
Elle en a eu assez et lui à demander de se bouger le derrière. Enough is enough!
Il a compris qu’il devait s’impliquer davantage parce que Maman peut s’occuper de bébé seule, alors papa pourrait prendre ses cliques et ses claques s’il le fallait. Il a pas mal observé Maman dans les premiers jours et il a finalement pris la chose au sérieux.
Au cours du temps, Papa s’est ajusté et s’est couché par terre pour jouer avec son bébé, s’est empressé d’aller le chercher dans son lit lorsqu’il se réveillait, a pris des marches avec lui. Bref, il passait du temps avec sa petite famille. Il a enfin réalisé ce que c’est que d’être un père. Quelqu’un qui est présent, qui l’est non seulement physiquement, mais aussi mentalement. Il a dit à Maman qu’elle faisait un travail extraordinaire et que jamais il ne l’aurait réalisé autant sans cette crise qui les a forcés à se confiner. Il s’est excusé.
Maman, elle, réfléchit à sa relation avec Papa et se demande si elle est assez solide. Si les efforts de ce dernier ont été suffisants et s’ils perdureront dans le temps. Être confiné, ça montre la vraie nature des gens. Surtout, on a beaucoup de temps pour penser et on réalise que la vie est courte et qu’on doit penser à soi quelques fois...
Trouver l'équilibre
Avant le début de tout ça, quand le virus était encore bien loin de notre quotidien, je trouvais mes journées longues toute seule avec bébé, et ce, pour plusieurs raisons. Quand arrivait papa vers l'heure du souper et que mon coco rayonnait subitement de bonheur et que j'essayais de lui faire comprendre que c'était schtroumpf grognon, ma patience était inexistante.
Arrive alors le confinement et le congé forcé de papa dont l'emploi ne permet pas le télétravail. Il a donc tout son temps pour nous. J'étais contente de pouvoir partager la charge de travail (lire ici avoir l'opportunité d'aller à la toilette quand j'ai envie et non parce que c'est le bon moment). La réalité c'est que papa ne comprend pas nécessairement comment ça fonctionne un bébé. Il n'est pas habitué à ce que son horaire soit celle d'un petit dictateur de quelques mois. Il ne comprend pas que brasser un hochet pendant 2 minutes en applaudissant c'est une activité cool. Comme il juge que ce n'est pas assez divertissant papa se divertit par lui-même en jouant aux jeux vidéos ou en essayant de me convaincre qu'écouter un film du début à la fin est chose possible en pleine journée. Résultat? C'est moi qui nourrit, couche et amuse poulet pas mal à temps plein. C'est confrontant, frustrant. Ça fait des flammèches. Ça m'amène aussi à me questionner sur la venue d'un deuxième enfant, sur la compatibilité de notre couple, sur notre flagrante incapacité à se comprendre quand on communique.
Ça donne aussi lieu à des beaux moments. Papa aime tellement son petit poulet. Il s'émerveille de tous ses faits et gestes. Il peut le voir évoluer davantage. Il l'aide à apprendre à marcher, à se tenir debout tout seul, à jouer de la musique, à construire des châteaux. C'est aussi un papa qui prend la relève à sa manière quand maman à la migraine. Ça m'enlève le poids d'être fonctionnelle dans ces moments-là. C'est un café surprise au lit à l'occasion quand je lui apprends que la nuit a été agitée alors que lui a dormi comme une bûche. C'est ne pas avoir à me casser la tête avec les repas parce que c'est papa qui cuisine. C'est de l'aide avec le ménage quand on est motivé.
Le confinement ça veut aussi dire que maman ne peut plus voir le réseau qu'elle s'est tissé pour garder la tête hors de l'eau quand la tempête de la maternité est trop intense. C'est la fin de la visite, surtout les grands-parents qui se contentent de voir à distance leur petit enfant grandir. C'est la peur que maman ne le stimule pas assez pour lui permettre de se développer à son plein potentiel parce qu'à force de prendre beaucoup en charge je choisis la facilité et la paresse.
Ce virus là va laisser des traces dans la vie de plusieurs enfants et de nombreux couples. Je ne sais pas lesquelles ce sera pour moi. J'espère que ça sera le plus doux possible et je me rappelle que la douceur part d'abord de soi.


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